11 choses à savoir sur les soins de plaies en pratique sage-femme
*Ce texte fait suite à la journée de formation offerte en novembre 2015 par Mme Chantale Labrecque Inf. M.Sc. Aujourd’hui consultante pour les établissements d’enseignement, les centres de santé et les compagnies de produits et de pansements, elle enseigne les soins de plaies dans 3 universités québécoises. Les informations qui suivront sont basées sur les enseignements reçus lors de la journée de formation. Ces conseils ne sont pas adaptés à des problèmes ou infections complexes qui peuvent nécessiter des traitements médicaux plus poussés.
1- L’humidité est un facteur majeur dans le processus de cicatrisation
Il est important de conserver des pansements propres qui permettent une humidité optimale et d’éviter de les retirer prématurément. Pour une plaie de césarienne par exemple, on parle de 7 à 10 jours! L’humidité stimulera l’activité cellulaire et l’angiogenèse (formation de nouveaux vaisseaux sanguins), favorisera le débridement autolytique (l’élimination physiologique spontanée des tissus nécrotiques), stimulera l’activité des macrophages, diminuera le taux d’infection et diminuera la douleur. Package deal, on ne s’en passe pas!
2- La cicatrisation s’effectue en 4 phases
- L’hémostase (ou la phase de coagulation). Cette phase dure de 5 à 10 minutes. Elle est caractérisée par la vasoconstriction et l’agglutination de plaquettes.
- L’inflammation. Cette phase dure de 2 à 5 jours. Elle limite l’effet des bactéries en neutralisant leur croissance. Attention, cette étape pourrait ressembler à l’infection!
- La prolifération. Dure de 3 à 21 jours (plus que ça : soupçonner un problème sous-jacent). Elle est caractérisée par la granulation (formation de petits ilots rouge framboise), la contraction (la fermeture de la plaie) et l’épithélialisation (peau ‘’neuve’’ rose nacrée).
- La maturation. Dure de 21 jours à 2 ans. La coloration du nouveau tissu se modifie (par exemple, les vergetures pâlissent).
3- Les sutures et agrafes doivent rester en place de 7 à 10 jours pour un résultat optimal
« Ne toussez surtout pas, madame ».
Cette femme arrive en consultation avec une « belle » plaie de césarienne. Après 2 jours, on lui a retiré les agrafes afin d’éviter les conséquences esthétiques des dites agrafes. On a quand même pris soin d’ajouter un « tape » à suture et on laisse à l’air libre.
Vous vous doutez bien qu’il y a plus d’un problème dans ce scénario! Concernant l’air libre, je vous dirige au point 1 du présent texte!
En effet, bien que ça soit une pratique assez courante en milieu hospitalier, retirer les agrafes ou les sutures après 2 jours (ou même jusqu’à 5 jours) est fort prématuré. Si l’on se réfère aux phases de la cicatrisation, l’on constate que nous sommes toujours en phase d’inflammation. Les tissus et les liens nouvellement formés sont excessivement fragiles. L’on recommande plutôt d’attendre de 7 à 10 jours avant de retirer les « points », même si la cicatrice vous semble belle.
En ce qui concerne les « tapes », ils ont été conçus pour maintenir l’épiderme seulement, ils ne peuvent rien pour les plaies plus profondes (telles que les plaies de césarienne). « Ne toussez surtout pas, madame, car vous risquez la déhiscence », c’est-à-dire, l’ouverture spontanée des lèvres de la plaie, pas jojo.
Les plaies issues des agrafes peuvent laisser des marques plutôt impressionnantes après leur cicatrisation. Cependant, ceci n’a rien à voir avec le temps qu’elles ont été laissées en place. Les marques demeurent parce que les agrafes ont atteint le derme profond. C’est la même chose pour les vergetures, elles ont lieu dans le derme profond, c’est pour cela qu’elles « restent » et qu’il n’y a que la coloration qui change. Petite note au passage, c’est aussi pour cela que les crèmes et les hydratants topiques ne peuvent rien contre les vergetures, ils n’atteindront pas le derme profond.
- Exigez le surjet intradermique pour la fermeture de la plaie de césarienne
Plusieurs obstétriciens savent la faire. Le problème? Ça prend 10 à 15 minutes, plutôt que 30 secondes pour fermer la plaie, puisqu’on la coud au lieu de la brocher. Conséquence d’un surjet intradermique? La cicatrice est beaucoup plus belle, et l’on évite l’effet « boutonnière » des marques d’agrafes permanentes.
- Plusieurs facteurs peuvent nuire au processus de cicatrisation
- L’infection prend la place de cellules saines
- Le manque d’humidité (voir le point 1 du présent texte)
- Les anti-inflammatoires bloquent l’activité inflammatoire de la phase 2
- Les antidépresseurs peuvent prolonger de 2 à 4 fois le temps de guérison
- Le tabagisme réduit le potentiel de guérison, car la nicotine a un effet vasoconstricteur
- Les déhiscences de césarienne sont beaucoup plus nombreuses chez les fumeuses (environ une sur deux)
- Le stress. Le cortisol a le potentiel de complètement arrêter le processus de guérison
- La dénutrition. Pour favoriser la cicatrisation, nous avons besoin d’un apport calorique supplémentaire important puisque la consommation d’énergie est énorme. Par exemple, une femme de petite taille aurait besoin d’au moins 2500 kcal seulement pour se maintenir ‘’à niveau’’
- L’immunodéficience et les hépatites appauvrissent l’efficacité de la phase d’inflammation (phase 2)
- Des soins de plaies inappropriés
- La couleur des tissus infectés dépend du micro-organisme responsable
Les tissus vivants et sains sont d’un rouge framboise lors de la phase de granulation, ou rose nacrés lors de l’épithélialisation, ces tissus sont d’ailleurs fragiles. Les tissus jaunes, verts, noirs, orange ou autres sont des tissus à débrider (nettoyer) puisqu’ils prennent l’espace de tissus sains, ce sont des tissus dits nécrosés, qui peuvent être humides ou secs.
- Il n’est pas normal de peser sur une plaie et d’obtenir plus d’exsudat
Un exsudat peut être qualifié de séreux, de sérosanguin, de sanguin ou de purulent (opaque, crémeux et coloré). Un exsudat sain sera transparent ou légèrement jaunâtre et liquide comme de l’eau. L’opacité et la coloration (autres que les susmentionnées) sont souvent des signes d’infection.
Lorsque le fond de la plaie est bien attaché au bord de la peau (ce qui est souhaitable), le fait d’appuyer sur une plaie n’en fera pas sortir davantage d’exsudat. Si vous en obtenez d’avantage, c’est qu’il existe un espace sous-jacent dans la plaie, ce qui veut dire que le fond de la plaie et le bord de la peau ne sont pas bien attachés, il y a un espace vide entre les deux. Vous pouvez l’explorer à l’aide d’une tige pour en mesurer la profondeur. Ces espaces ne sont pas souhaitables, mais il est difficile de les prévenir.
- Un bord de plaie qui « roule » cherche l’humidité
Il n’est pas normal d’avoir un bord de plaie ayant un aspect « cordonneux » et rigide. C’est signe qu’elle manque d’humidité. Pensez à utiliser le bain et un vaporisateur d’eau chaude pour le périnée ou un pansement pour l’abdomen, selon la région.
- En cas d’irritation du mamelon, la lanoline n’est pas nécessairement recommandée
La lanoline est à la base le suint (la partie grasse) collé à la laine, qui a été purifié et raffiné. Elle connait un haut taux de réactions allergiques qui se présentent sous forme de rougeurs, d’éruptions cutanées et de démangeaisons. Ces signes peuvent apparaître rapidement ou après plusieurs utilisations. Comme ces signes ressemblent beaucoup à ceux que l’on tente de traiter, il peut devenir difficile de bien soigner le mamelon et de distinguer l’effet de l’allaitement de l’effet du produit. Ces réactions sont dues aux impuretés qui se sont glissées dans les produits à base de lanoline lors du processus de raffinage.
La littérature actuelle ne permet pas de dire si l’utilisation de la lanoline est supérieure au fait de ne rien mettre du tout sur le mamelon. Dans ces circonstances, l’on recommande simplement de déposer une à deux gouttes de lait sur le mamelon et de le masser (le massage active la circulation sanguine et la bonne vascularisation est essentielle pour une bonne guérison). On attend que le lait soit sec avant d’enfiler un soutien-gorge de coton (de préférence). Les compresses d’allaitement doivent être dénuées de côté plastifié. Répéter à tous les boires (en s’assurant d’avoir les mains propres).
Concernant la douleur, il semble que les disques d’hydrogel soient efficaces à cet égard. Certaines études mentionnent une diminution de 50% de celle-ci. C’est à la base de l’eau « gélatinisée » et vous pourriez les recommander à cet effet (attention de les garder bien propres afin d’éviter la macération de la peau).
- L’ombilic se soigne au sec, parce que ce n’est pas un tissu « curable »
Pas d’humidité pour soigner l’ombilic de bébé, parce qu’il n’y a pas de plaie « vivante » à traiter! Les 4 phases de la cicatrisation ne s’appliquent pas ici. Le tissu du cordon se nécrosera et tombera, c’est son destin. Les recherches actuelles ne montrent donc aucun avantage des antibiotiques ou des antiseptiques par rapport à des soins visant la propreté du cordon ombilical. De l’eau du robinet et un coton-tige feront un excellent travail lors des changements de couche. N’oubliez pas d’avoir les mains propres et de bien assécher (avec un nouveau coton-tige) par la suite!
- Le périnée se soigne bien avec de l’eau
De l’eau, de l’eau du robinet, c’est Cochrane qui le dit. Il n’y a pas d’avantage même pour le miel comparé à la simple irrigation à l’eau du robinet. 3 fois par jour dans une baignoire. Un vaporisateur avec de l’eau chaude entre-temps. Un essuyage délicat en « tapotage » avec une serviette propre ou des compresses complèteront bien les mesures d’hygiène.
Les vaporisateurs anesthésiants, les antiseptiques, les savons et autres produits parfumés sont à éviter.
On peut mettre du froid les premières 12 à 24 heures et l’on peut donner un analgésique (éviter des anti-inflammatoires après 2 jours afin de ne pas interférer avec la phase d’inflammation du processus de guérison). Mangez bien (le processus de cicatrisation consomme une ÉNORME quantité d’énergie) et buvez beaucoup. Vous pourriez également songer à un émollient fécal, selon le cas.
Simple et efficace, comme on l’aime.
Bonne guérison!
Mélanie Bergeron-Blais
Mélanie est étudiante en 2e année en pratique sage-femme et mère de cinq enfants.
Elle est très impliquée dans l’organisation de diverses activités pour l’A.E.S.F.Q.
A quoi reconnait on une maceration de cicatrice de césarienne?